Bible Ensemble : Ep. Une lecture écologique

 

Une lecture écologique de la lettre aux Ephésiens

Dans notre lecture (chrétienne protestante luthéro-réformée), nous ne pensons pas que la lettre aux Éphésiens nous dicte une morale chrétienne quelle qu’elle soit. En cela, elle reste fidèle à Paul. Lorsqu’elle donne des conseils d’ami, concernant la soumission mutuelle par exemple, elle en appelle au bon sens du lecteur. En revanche, elle dit que ce bon sens peut être encouragé et inspiré par la grâce de Dieu, sans conditionner celle-ci.

La lettre aux Éphésiens propose plutôt une réflexion sur le rapport entre la rédemption et la création. Pour elle, Dieu sauve l’humain et toute créature en vue de constituer une création nouvelle modelée comme corps dont le Christ est la tête. Dieu fait de l’humain, qu’Il sauve dès maintenant en vue de l’œuvre bonne qui consiste à proclamer l’extension du salut et de l’Eglise à l’univers entier. Ainsi, le dessein de Dieu, à travers la rédemption, est une nouvelle création.

Projet de programme

Petite bibliographie

  • Chantal REYNIER, L’épître aux Éphésiens, Paris, Cerf, 2004.
  • Michel Bouttier, L’épître de saint Paul aux Éphésiens, Genève : Labor et Fides, 1991 (dont s’inspire en grande partie la présente introduction).
  • Charles MASSON, L’épître de saint Paul aux Éphésiens, dans Pierre BONNARD et Charles MASSON, Paris, Delachaux et Niestlé, 1953.
  • François VOUGA, Qurelles fondatrices, Genève: Labor et Fides, 2003.

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Introduction

La pensée de Martin Luther a été bouleversée par son étude de la lettre de Paul aux Romains. Jean Calvin, quant à lui, comme Uldrych Zwingli, s’appuie sur la lettre aux Éphésiens pour penser l’Église. Le christianisme n’est plus au centre, c’est la création tout entière qui devient centrale, avec la volonté de salut universel de la part de Dieu.

La lettre aux Éphésiens, rédigée par Paul ou, sans doute, plus probablement par un ou des disciples de Paul après la mort de ce dernier, semble effectuer une double mission :

    • Réinterpréter globalement le message de Paul, à partir d’une conviction reçue, face à une situation neuve ; il s’agit d’une contextualisation.
    • Incorporer dans la tradition de Paul d’autres traditions issues d’autres milieux.

Il est très probable, selon plusieurs exégètes (Bouttier 1991, Reynier 2004, Masson 1953…), s’appuyant sur une hypothèse émise semble-t-il en 1654 par l’archevêque anglican James Ussher (Annales Veteris et Novi Testamenti II, p.686), que l’épître aux Éphésiens soit une lettre circulaire adressée à plusieurs églises locales d’une même région. Plusieurs manuscrits grecs anciens en effet n’ont rien à la place de l’adresse « à Éphèse » en Ep.1,1. Ainsi, Origène interprétait ce verset en disant que les lecteurs de l’épître sont appelés « ceux qui sont » (sans complément) à cause de leur « communion avec Celui qui est (Ex.3,11) ». Marcion appelait d’ailleurs cette lettre « épître aux Laodicéens ». Il se peut qu’à l’origine existait une lettre de Paul, peut-être adressée aux Éphésiens ou à une autre Église locale, mais qu’un rédacteur tardif, vivant dans un nouveau contexte, aurait transformée en une lettre circulaire recevable par toute Église locale membre de l’Église universelle. La pseudépigraphie consistait dans l’art d’instituer une permanence de l’auteur alors que ce dernier a physiquement disparu.

Le message de Paul émerge de son enracinement culturel d’origine pour être traduit dans des catégories religieuses plus universelles. De l’évangile, on passe au « mystère du salut ».

La lettre aux Éphésiens est une rencontre de plusieurs, d’une pluralité de traditions. En plus de celle de Paul, voici quelques autres traditions que nous pouvons y trouver :

    • Luc a été souvent considéré comme étant celui qui a rassemblé les écrits pauliniens en un corpus, utilisant la lettre aux Éphésiens comme préface. Certains lui ont ainsi attribué la rédaction de cette épître. 26 des 30 mots présents dans la lettre aux Éphésiens, et qui sont absents dans les écrits pauliniens, se rencontrent dans l’œuvre de Luc (évangile de Luc et Actes des Apôtres).
    • Comme la lettre aux Éphésiens, les épîtres pastorales emploient le verbe « sauver » pour parler non pas du « salut final », mais de la rédemption de la croix. Elles affirment également le salut par « grâce », comprise dans un sens absolu. Elles utilisent l’expression « la parole de vérité » pour désigner l’évangile, et le mot « diable » pour désigner le Malin que Paul préférait appeler « le Satan ».
    • L’épître aux Hébreux, comme la lettre aux Éphésiens, a pour axe central « l’exaltation du Messie/Fils », assis à la droite de Dieu et célébré avec les Ps.8 et Ps.110, en conséquence de l’œuvre de salut du Christ caractérisée dans les deux lettres par « la rédemption, le sang, le pardon des péchés ».
    • La 1ère lettre de Pierre, comme la lettre aux Éphésiens, s’ouvre par un chant de bénédiction (1P.1,3 et Ep.1,3). Elles parlent toutes deux de la révélation actuelle de ce qui était caché autrefois 1P.1,10-12 et Ep.3,2-6). Elles traitent la croissance de la communauté sacerdotale dont le Christ est la pierre d’angle (1P.2,2-6 et Ep.2,18-22). Elles appellent l’intégration des exclus au sein de l’Église universelle. Elles invitent à la soumission mutuelle et à la lutte (1P.5,8-9 et Ep.6,10-20).
    • Avec Jean, le code spatial devient vecteur de la christologie : déplacements, montée, descente, dessinent l’itinéraire, et, du coup, l’identité du Sauveur. Dans la lettre aux Éphésiens, la récapitulation universelle se réalise en celui qui est monté, et descendu « afin de tout remplir ». Dans les écrits johanniques, l’expression « en Christ » devient la racine d’un déploiement trinitaire (Père dans le Fils, Fils dans les siens, les siens dans le monde), et fait écho à Ep.1,23 : la plénitude divine s’est concentrée dans le Christ, et, de lui, elle se communique à l’église pour rayonner, de là, dans l’univers. Malgré les divergences avec l’évangile de Jean qui sautent aux yeux, puisque ce dernier ignore le terme d’église, la lettre aux Éphésiens privilégie comme le quatrième évangile une église-communion d’amour, seule révélatrice de la vie du Fils. La lettre aux Éphésiens, comme l’évangile de Jean, affirme l’actualité présente du salut : en Christ, nous somme sauvés, ressuscités, assis dans les cieux (Ep.2,5.6) ; « celui qui croit au Fils a la vie éternelle » (répète l’évangile de Jean). Il s’agit d’une attirance vers la gnose où l’eschatologie est spiritualisée, intériorisée. Mais cette intériorisation ne signifie pas une fuite, loin de là, puisque le croyant vit dans le monde sans être du monde, afin d’organiser au contraire une résistance face à des sollicitations nouvelles. L’évangile de Jean est comme une clé de lecture pour lire la lettre aux Éphésiens. Les deux affirment opiniâtrement qu’il ne faut pas desceller la rédemption de la création.

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