Bible ensemble : Ep.4,1-16

 

Une exhortation

 

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Introduction

Ep.4,1-16 consiste essentiellement en une exhortation (ou paraclèse) à l’Église d’Éphèse.

Structure

  • v.1-3 : Exhortation
  • v.4-6 : Confession de foi
  • v.7-16 : Développement de l’Église.

v.1-3 : Exhortation

v.1Exhorter : On a ici, réunis, des indices de la paraclèse paulinienne, reprise par l’auteur d’Eph. Prisonnier : Celui qui écrit revendique le titre de prisonnier, comme en Ep.3,1. Marcher (περιπατέω) : terme clé pour parler de l’éthique, de la conduite et du comportement dans les traditions paulinienne et johannique (B 170). Dans l’AT, hlk exprime « la perspective fondamentale de la piété » : « en tant que créature de Dieu, l’homme marche sur cette terre devant la face de son Seigneur (Gn.17,1) » (TWNT V,940).

Digne (axios) : ce n’est pas la vocation qui est un digne mérite de la marche éthique ; c’est l’inverse : l’éthique résulte de la vocation.

La vocation adressée : Il ne s’agit pas ici d’une vocation individuelle, comme habituellement, mais de la vocation du peuple messianique.

v.2 : Humilité, douceur, patience : Ces termes qualifient le support mutuel au sein de la communauté. Certains parlent de béatitudes de la vie communautaire (même si on n’a pas le mot « heureux »), puisque le vocabulaire recouvre celui du Sermon dur la Montagne. Ici, le « corps du Christ » prend la place du Royaume (le même vocabulaire se retrouve en Col.3,12).

Support mutuel : Cela concerne bien plus que la simple solidarité entre chrétiens ou entre frères. Ep exhorte à affronter les tensions, les tendances à la prédation ou à la concurrence aboutissant aux conflits (Es.11 : le loup et l’agneau vivront ensemble en harmonie). En Col, ce support mutuel est lié au pardon réciproque, ici, en Ep, il est lié au maintien de l’unité (v.3).

Le support « fait partie de la vie quotidienne de chaque communauté » (B 171). La réalité messianique créée en chacun de nous est sans cesse à rendre visible et concrète au quotidien en surmontant les tensions ou les violences (entre les espèces ou les éléments de l’écosystème). « La vérité, sans l’amour ou l’humilité, cesse d’être vérité » (B).

v.3 : Conserver (tèréô) : inconnu chez Paul. L’auteur nous exhorte à « garder » l’unité. Unité (enotès) : est un hapax dans le NT. Louis Segond, Calvin, Jérôme, Luther traduisent enotèta tou pneumatos par « unité spirituelle ». Bouttier préfère : « unité donnée par l’Esprit ». Unité et paix : sont toujours menacées dans la communauté (dans l’écosystème). On a ici l’écho de Ep.1,10 où l’auteur affirme que Dieu récapitulera tout sous un seul chef : le Christ, avec l’incorporation, entre autres, des Juifs et des païens.

La paix : joue un rôle premier et rayonnant dans Ep.

v.4-6 : Confession de foi

Influencée par Col.3,12, ce passage ressemble à Ph.2,1-4 (considérez les autres comme étant supérieurs à vous-mêmes). L’exhortation fait place à une acclamation liturgique. Citation ou création de l’auteur ? On trouve un style ternaire : Corps, Esprit, Espérance – Seigneur, foi, baptême – Dieu-et-Père : au-dessus, parmi, en…

v.4Un seul corps, un seul esprit : dérive d’une autre acclamation baptismale qu’on trouve en 1Co.12,13 : (ἡμεῖς πάντες εἰς ἓν σῶμα ἐβαπτίσθημεν, καὶ πάντες ἓν πνεῦμα ἐποτίσθημεν) « Et nous tous, Juifs ou non-Juifs, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps par le même Esprit Saint et nous avons tous eu à boire de ce seul Esprit » (BFC).

Appelés à une espérance par/pour la vocation : L’espérance peut être le point de départ de la vocation qui entraîne le peuple messianique, ou plutôt au contraire le terme de la route. Vocation : Dans Eph, ce que l’on espère (vocation, ici, et don de l’Esprit en Ep.1,18) prévaut sur l’acte d’espérer.

v.5 : Auparavant (en 1Co.8,6 notamment), le Seigneur est complété par Jésus-Christ. Ici, la précision semble devenue inutile : le Seigneur est désormais identifié avec le Christ. La reconnaissance de Jésus comme Seigneur est corrélée à la foi et au baptême. Elpis désigne désormais le contenu de l’espérance, de même pistis désigne le contenu de la foi (fides quae creditur et non fides qua creditur, par laquelle on croit) : c’est le credo au moment du baptême. Ce credo est unique puisque le Seigneur est unique.

v.6 : L’expression Père de tous est unique, inconnu de l’AT et de la littérature juive. Elle est en revanche connue par Platon et le stoïcisme (pantôn=tous et tout, les êtres vivants et les choses). Cette paternité sur tout et tous est ici déclinée en une triade : au-dessus (epi), parmi (dia) et dans (én). Ces 3 prépositions correspondent à la cosmologie d’Ep. Dieu est présent intérieurement, tout en étant extérieur, et tout en traversant toute chose.

v.7-16 : Développement de l’Eglise

v.7 : À tout un chacun de nous (Ενὶ) la grâce est donnée :

Avant, on identifiait le nous aux ministres énumérés au v.11. Le « mais » disait-on a une forte valeur adversative : il s’agissait de vous, de tous (v.6). Maintenant, il s’agit de nous, qui sommes chargés d’une mission particulière. La grâce signifiait le charisme accordé par le Seigneur (parabole des talents). On n’est pas dans le sens de la grâce du ch.2 (la grâce qui sauve), mais dans celui du ch.3 (l’économie de la grâce donnée à Paul pour son apostolat), dans une sorte de démocratisation de la vocation.

Aujourd’hui, on donne au nous un sens large (à tout un chacun de nous, Ενὶ) résultant du tous du v.6, qui sera confirmé au v.13. Il n’est pas encore question des ministres et l’exhortation s’adresse à tout le monde. À la suite des én, des v.5-6, suit le Ενὶ du v.7 : il y a un seul Seigneur et à tout un chacun de nous, sa grâce est offerte. La doxologie s’achevait sur une tonalité universelle (3,20-21 : toutes les générations). Même si la grâce (qui sauve) concerne l’univers entier, elle n’en est pas moins un cadeau personnel : nulle créature n’est exclue.

Mesure : ne concerne pas la distribution mais l’ampleur.

v.8 : Il y a un renversement de sens par rapport au Ps.68,19 : « il a donné des dons » remplace « tu as pris ». « Un texte ne sort jamais indemne de l’usage qu’on en fait » (B 181). Le Ps.68 célèbre une théophanie. Les traductions successives (araméen, LXX, Pschitta…) ont reformulé le sens de ce texte. La tradition rabbinique renvoie à Moïse au Sinaï lors du don de la Torah. Ep présente une transposition christologique de cette tradition : c’est le Christ, vrai Moïse, qui est monté pour faire des dons aux humains.

v.9 : Aussi descendu : Le Christ occupe l’univers entier. Les régions inférieures : est-il une allusion aux enfers. Il s’agirait alors d’une des premières expressions du thème de la descente du Christ aux enfers pour libérer ceux qui étaient maintenus captifs, avec Adam à leur tête (la capture de la captivité). Mais cette cosmologie n’est pas celle d’Ep, qui ne dit rien sur le monde souterrain, mais parle plutôt des puissances dans l’atmosphère. Il s’agit donc ici de ce monde terrestre : les régions qui sont inférieures et terrestres.

v.10 : Les v.9-10 ont une importante connotation christologique. Par rapport à Luc dans Ac.2,32-33, on a une évolution du langage : « Ce jésus que vous avez crucifié a été élevé à la droite de Dieu. Ayant reçu de la part du Père l’Esprit promis, il l’a répandu ». Et par rapport à 1Tim.3,16 également : « Il a été enlevé en gloire ». En Ep.4,9-10, le passif devient actif : « il est monté, il est descendu », qu’on retrouve chez Jn : « personne n’est monté au ciel si ce n’est celui qui en est descendu » (Jn.3,13). À la différence de la résurrection, l’exaltation n’est plus l’œuvre du Père : « Il est monté au ciel » dira le Symbole des apôtres.

On a par rapport au Ps.67 une inversion de la descente/montée. L’incarnation devient moins importante que l’exaltation. La foi en la naissance miraculeuse (et de la préexistence) est dérivée de la foi en la résurrection. Il s’agit avant tout de proclamer l’identité de celui qui est descendu et de celui qui est monté.

Le but de l’élévation et de la descente est une libération, afin de remplir l’univers. L’interprétation du Ps.68 « rejoint l’énoncé fondamental de la récapitulation (1,9-11) » (B 184). On aboutit à une sorte de « panchristisme » (la grâce est dessus, à travers et dans), et on s’achemine vers une cosmologie messianique : les êtres visibles comme les puissances invisibles sont encerclés.

Le don n’est pas dans Ep celui de l’Esprit, mais les ministères de la parole.

v.11 : Il a donné : Celui qui est monté, le Christ, est le donateur (« il a donné » dit le Ps.68). On traduit souvent : « Il a donné aux uns d’être… » dans le sens d’une nomination ou répartition des ministères qui résulteraient des charismes (grâces) du v.7. Mais le Ps.68 cité au v.8 dit autre chose : les dons du Christ ne sont pas les charismes accordés à des hommes, mais les hommes accordés par le Christ pour mettre la grâce (du v.7) à l’œuvre.

En 1,22-23, Dieu donne à l’église le Christ comme tête, tout comme ici il lui donne des ministères, afin de tout remplir. Il ne s’agit pas d’abord de l’organigramme de l’église.

v.12 : Perfectionnement (organisant FBJ) : καταρτισμὸν (Eph 4:12 BGT) est utilisé pour l’assemblage des navires. Consolidation en chacun de l’unité, et assemblage de tous. Œuvre du ministère : L’œuvre (au singulier) se distingue des œuvres (au pluriel) qui relèvent de l’éthique. L’œuvre, c’est le « grand œuvre du Seigneur » qui y emploie ses ouvriers. Le ministère ou service, c’est la diaconie, mais dans le sens du ministère d’entraide (comme en Rm.12,7) où elle a un complément.

Pour l’édification du corps du Christ : C’est l’organisation de l’église qui est en jeu. « Les ministres sont donnés pour la formation des fidèles ; cette formation les prépare à assumer l’œuvre du ministère qui leur incombe et ainsi à concourir à l’édification du corps du Christ » (B 190).

v.13 : Les ministres sont offerts par le Christ pour mettre tous les saints en route vers un but. Katantaô (cheminer vers le rendez-vous : un lieu ou un temps, peut-être eschatologique), vers celui qui est la tête (les choses qui sont en haut, en Col3,1-2).

Unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu : La foi n’est plus ici le contenu mais l’acte de décision de la foi, tout comme la connaissance qui est la relation au Fils de Dieu.

Jusqu’à : indique la croissance nécessaire. Phi.1,25 par du « progrès » de la foi. « L’unité est le point focal » (B 191). Dans le Lévitique, teleiôsis (hébreu Millu’îm) désigne la consécration du prêtre, l’aptitude à exercer le ministère (cf. v.12). Mais ici, il s’agit de l’homme adulte, libre responsable, sorti de l’infantilisme.

Qui est cet homme adulte ? Le Christ, disent certains. Le corps du Christ à venir, disent d’autres. Chaque croyant, disent ceux qui restent. La mesure : c’est l’âge ou la taille. Plérôme du Christ : plénitude du Christ (qui est le plérôme de Dieu) ou de l’église (cf. 1,23).

v.14 : Des enfants : c’est l’état de minorité, d’avant la conversion, où ils étaient la proie d’influences théologiques néfastes (cf. ch.2).

Le vent : est imprévisible. La tromperie : il s’agit littéralement du jeu de dé, qui associe tromperie et hasard. Doctrine : catéchèse, mais aussi doctrine des hommes, par opposition à la saine doctrine. La ruse (planès) : habileté à fourvoyer.

v.15 : Professant la vérité : opposée (apposée) à l’erreur du v.14. Dans l’amour : la vérité assure la croissance dans l’amour qui unit les croyants au Christ (cf. 3,14-19). En professant la vérité, « nous faisons croître l’univers vers celui qui est la tête ». Les ministres réalisent ainsi leur mission. Teilhard de Chardin y voit une mission cosmique : faire converger la création vers son but.

v.16 : Le ἐξ οὗ (Eph 4:16 BGT) signifie un retournement du regard vers le Christ qui est la source de l’immense processus.

Chaque jointure : Articulation (au singulier : c’est la diversité plus que le nombre qui compte (contre Col.2,19 où jointure est au pluriel). Il s’agit de la conjonction du tout et de ses parties. Tout le corps : c’est l’église cosmique. Solide assemblage : cf. Col.2,19. Croissance : À quoi sert la jointure ou l’articulation ? L’exégèse ne perce pas le laconisme du texte. Peut-être que la croissance du Corps est à la mesure de la croissance de chacun vers le Christ, et non un résultat du ministère exercé par chacun selon son charisme (Ch. Masson). Mais la plupart des exégètes identifient les articulations avec les hommes cités au v.11 et font résulter la croissance de leurs ministères.

Col.2,19 souligne que Dieu est auteur de la croissance. La lettre aux Ephésiens laisse entrevoir une sorte d’auto-croissance du corps : celui-ci est sujet et objet du verbe.

Tout cela pour l’édification de la maison commune ou écosystème dans l’amour et l’harmonie.

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