Le Déluge et l’éthique de l’environnement (Gn.6-9)Dans les traditions mythologiques proche-orientales anciennes de récits de Déluge (Atra-Hasis, Atram-Hasisoum, Gilgamesh, Ziousoudra, Xisouthros…), le Déluge est déclenché par les divinités en colère… La conclusion de la narration du récit biblique du Déluge (Gn.9,1-17 : l’alliance noachique) apporte une réflexion théologique et anthropologique sur le rôle de l’humain devant la création… Dans les autres récits du Proche-Orient Ancien, beaucoup de textes enlèvent à l’humain cette confiance et lui accorde un statut non-humain : immortalité ou divinité (voir le tableau suivant)… Les causes du DélugeDans les traditions mythologiques proche-orientales anciennes de récits de Déluge (Atra-Hasis, Atram-Hasisoum, Gilgamesh, Ziousoudra, Xisouthros…), le Déluge est déclenché par les divinités en colère en raison de la poussée démographique des humains. Le Dieu du récit biblique du Déluge (Gn.6-9) envoie celui-ci à cause de la méchanceté (la pourriture, רָעָה) de l’humain (Gn.6,5), mais parce que cette méchanceté se répand sur l’ensemble de la création (Gn.6,11-12). L’humain n’a pas réussi à remplir sa mission de garder (שָׁמַר= garder, surveiller, préserver, gérer) et de cultiver (עָבַד= travailler, servir) la création (Gn.2,15). Il n’a pas été à la hauteur de la confiance qui lui a été faite. Pourquoi tuer aussi les animaux (Gn.6,17 : « Pour tuer tout ce qui est animé de vie ») ? Narrativement, et pratiquement, l’arche ne pouvait pas contenir tous les animaux. Théologiquement, la création était pourrie à cause de la pourriture de l’humain (Gn.6,11, שׁחַת = ruiner, corrompre, pourrir). Il fallait tout refaire, tout recréer. Les conséquencesLa conclusion de la narration du récit biblique du Déluge (Gn.9,1-17 : l’alliance noachique) apporte une réflexion théologique et anthropologique sur le rôle de l’humain devant la création. La comparaison entre Gn.9,1-7 et Gn.1,28-30 montre que certaines choses sont renouvelées, mais d’autres sont abandonnées ou remplacées. C’est ce qu’illustre le tableau suivant :
Notons que le Dieu de l’auteur de Gn.1 offre uniquement de la nourriture faite de végétaux pour Adam et Ève, en Gn.1, et pour les animaux. Cette restriction est abandonnée en Gn.9, après le Déluge, où l’humanité créée à partir de Noé et sa famille reçoit les animaux, en plus des plantes, comme nourritures possibles. Le texte dit : « Tout ce qui a la vie en lui. » (v.3). Et le Dieu de Gn.9 ajoute une restriction à cette possibilité de tuer et de manger de la viande animale : « Seulement vous ne mangerez pas la chair avec (ou dans) sa vie, son sang. » (v.4). Nous pouvons y entendre le « respect de la vie ». Le chamane prie avant d’ôter la vie à un animal, est-ce que nous respectons suffisamment la vie aujourd’hui ? Comment entendre le verbe donner quand le Dieu de Gn.9 dit : « Ils sont donnés entre vos mains. » (v.2) ? Le verbe traduit par « donner » signifie aussi « confier ». Nous préférons entendre cette idée de confiance dans ce texte : notre Dieu nous confie la création ; nous en sommes responsables. Gn.9 répète deux fois la bénédiction de remplir la terre (v.1 et v.7). Quand est-ce que cette bénédiction est-elle atteinte ? Est-ce lorsque les humains consomment plus que ce que la création permet ? Ou bien lorsque les ressources sont équitablement réparties entre les créatures en tout lieu et en tout temps présent et à venir ? Comparaison avec d’autres récits du DélugeDans les autres récits du Proche-Orient Ancien, beaucoup de textes enlèvent à l’humain cette confiance et lui accordent un statut non-humain : immortalité ou divinité (voir le tableau suivant).
Le Dieu du livre de l’auteur de Gn.9 prend acte de l’évolution de l’humain depuis le premier chapitre jusqu’au Déluge : il est devenu pourri, méchant, violent. Comment faire pour continuer à espérer le meilleur de l’humain ?
Les lois ne semblent pas lui suffire, le Dieu de l’auteur de Gen.9 se donne donc un signe à lui-même, dans une stratégie quasi pédagogique, pour être à même, le jour venu, de vaincre sa propre impulsivité. Les animaux, les humains, et Dieu lui-même, tous doivent y aller de leur contribution si l’on veut endiguer la violence ! Leçon malicieuse…, mais leçon superbe ! Cette grâce de Dieu libère l’humain de toute culpabilité, lorsque la connaissance enfle d’orgueil en jugeant et excluant ceux qui n’y arrivent pas. Mais c’est une grâce qui engage dans une liberté responsable, dans une quête permanente de la solution la mieux adaptée à chaque situation. Gaston Bachelard disait que « l’esprit scientifique se constitue sur un ensemble d’erreurs rectifiées » (La Formation de l’esprit scientifique, 1938, Paris : Puf, 2007). À une connaissance se sachant relative et limitée, la grâce donnera le courage de se relever sans cesse à nouveau après chaque erreur ou échec. La création est un combat continu. Mais l’humain n’est plus seul ! |
Quelques thèmes abordés
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