Tous prêtres ! |
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Au XVIe s., les Réformateurs protestants ont exprimé ce principe pour contester toute inégalité au sein du peuple de Dieu. Dans sa lettre adressée À la noblesse chrétienne allemande, publiée en 1520, le Réformateur Martin Luther écrit : « On a inventé que le Pape, les Évêques, les gens des monastères seraient appelés état ecclésiastique, les Princes, les Seigneurs, les artisans et les paysans l’état laïque, ce qui est certes une fine subtilité et une belle hypocrisie. Mais personne ne doit se laisser intimider par cette distinction, pour cette bonne raison que tous les Chrétiens appartiennent vraiment à l’état ecclésiastique, il n’existe entre eux aucune différence, si ce n’est celle de la fonction, comme le montre Paul en disant (I Cor. 12), que nous sommes tous un seul corps, mais que chaque membre a sa fonction propre, par laquelle il sert les autres, ce qui provient de ce que nous avons un même baptême, un même Évangile et une même foi et sommes de la même manière Chrétiens, car ce sont le baptême, l’Évangile et la foi qui seuls forment l’état ecclésiastique et le peuple chrétien. Ce que fait le Pape ou l’Évêque, l’onction, la tonsure, l’ordination, la consécration, le costume, différent de la tenue laïque, peuvent transformer un homme en cagot, ou en idole barbouillée d’huile, mais ils ne font pas le moins du monde un membre du sacerdoce ou un chrétien. En conséquence, nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême comme le disait saint Pierre (1 Pierre 2) : “Vous êtes un sacerdoce royal et une royauté sacerdotale” » (Luther, Les grands écrits réformateurs, trad. Maurice Gravier, Paris : Flammarion, 1992, p. 107-109) Lire 1Pi.2,99 Mais vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les hauts faits de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.
Certains pensent qu’il s’agit de l’Église dans son ensemble qui est désigné comme prêtre par ce texte. Or, les exégètes, comme Pierre Prigent, expliquent que le sacerdoce désigne un groupe de prêtres, et que la maison sacerdotale renvoie à une maison de prêtres : « Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez -vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus -Christ. » (1Pi 2,5) Les sacrifices sont à comparer à Rm.12,1 : « Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à présenter vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est votre service intelligent. »
Ils s’appuyaient sur Ga.3,28 : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus -Christ. » Et 1Co.3,8 : « Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail. »
Les Réformateurs protestants, comme Luther, affirment qu’il n’y a pas de différence entre les uns et les autres : « Tous les Chrétiens appartiennent vraiment à l’état ecclésiastique, il n’existe entre eux aucune différence, si ce n’est celle de la fonction, comme le montre Paul en disant (I Cor. 12). »
Les Réformateurs protestants affirmaient plutôt que tous sont prêtres par le baptême, que l’on soit ordonné ou non. La grâce de Dieu se donne à travers nous indépendamment de l’ordination, de la formation ou de toute autre marque de distinction.
L’homme Jésus de Nazareth s’est donné comme modèle en tant que moyen de révélation de la grâce de Dieu : il s’est effacé lui-même (kénose, d’après Php.2,5-9), et incarnait la Parole de Dieu (Jn.1,14). Il ne s’agit pas d’abord d’être saint (piétisme) mais de proclamer la grâce de Dieu, par ses paroles et ses actes.
La vocation (Beruf disait Luther) au quotidien consiste à dire la grâce de Dieu à travers les fonctions qu’on exerce selon les formations et les compétences acquises : médecin, juriste, élu politique, enseignant, pasteur, berger, etc. Toute vocation est utile pour accomplir la mission première qui consiste à dire la grâce de Dieu. Luther insiste sur la distinction de fonction pour la défendre, contre la distinction d’état ou de statut.
Nous sommes enfants de Dieu, recevant de Lui notre identité ultime, c’est-à-dire celle qui demeure même lorsque tout le monde se trompe sur nous. Il nous donne le courage d’être ses enfants et de vivre en tant que tels concrètement au quotidien, en marchant selon la vocation que nous avons reçue, et que nous pensons venir de Lui, dans la foi.
L’Église est la communauté spirituelle de tous les prêtres que nous sommes (1Pi.2,5). Elle rend visible l’assemblée des enfants de Dieu réunis pour proclamer la grâce de Dieu dans le monde.
Dans la vie de l’institution ecclésiale, chacun de nous exerce la fonction de prêtre en rappelant l’un à l’autre la grâce de Dieu. En Christ, l’autre devient un christ pour moi (Bonhoeffer, De la vie communautaire). Lire 1Pi.2,77 C’est donc pour vous qui croyez que la pierre maîtresse a ce prix. Mais, pour les incrédules : La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient Est devenue la principale de l’angle.
Dans la vie communautaire, c’est le Christ qui appelle chaque enfant de Dieu à exercer une fonction selon les compétences qui lui viennent de l’Esprit saint et qu’il a développées : docteur, apôtre, pasteur, ancien, prophète… Ces fonctions sont appelées à correspondre à la vocation séculière de chacun (médecin, enseignant, etc.). Le Christ donne à son Église les ministres dont elle a besoin, affirme notre Église. Au quotidien, dans la société et en famille, le Christ donne à chacun le courage d’exercer sa vocation de prêtre en lui rappelant chaque jour la grâce de Dieu qu’il est appelé à proclamer autour de lui.
Dietrich Bonhoeffer dit que chacun est appelé à considérer son prochain comme prêtre, car on a besoin de l’autre pour nous dire la grâce de Dieu, et qu’on ne peut pas être prêtre pour soi-même (De la vie communautaire).
Comme la gloire revient à Dieu seul, le Christ s’est privé de sa propre gloire pour nous inspirer l’exercice de notre vocation dans le manque de gloire. Ainsi, la gloire de l’un ne manque pas à l’autre, puisque chacun s’efface pour ramener toute gloire à Dieu seul. |