BÀBÂR : LES TEXTES DE CHRISTIAN JEAN-5

JEAN 5/1-47

BàBR 2023-2024/EVANGILE DE JEAN
JEAN 5/1-47/TEXTE EN PIECES, SUITE

Texte en pièces, suite
Nous avons précédemment (Jean 4/43-54 + 5/1-47) mis quelque peu en évidence la composition plurielle, et souvent disparates des textes livrés in fine à notre lecture et à notre interprétation à partir de manuscrits et autres documents, d’origine et de datation parfois incertaines, en tous les cas souvent épars et incomplets, aux multiples versions et traductions, qui obligent une approche (exégèse, compréhension : ce que dit le texte) prudente et fine.
Aujourd’hui, nous allons essayer de mettre en évidence la composition des différentes parties d’un texte, que ce soit une courte péricope, ou, c’est l’exemple que nous prendrons, tout un chapitre, à partir duquel nous verrons par ailleurs comment se construit littérairement et stylistiquement cet évangile de Jean, avec ce qui ressemble à des morceaux choisis (ou pièces ou panneaux) aux propos fort divers : des récits des actions de Jésus, des digressions théologiques, et des confrontations entre Jésus et ses interlocuteurs, mais, qui bien agencés les uns aux autres, composent un ensemble assez cohérent, structuré, duquel ressort un message percutant.

Le chapitre 5 est un bon exemple de cette composition en morceaux choisis, pièces ou panneaux.
1) 5/1-18 : Récits d’une action de Jésus, par exemple la guérison d’un paralytique.
Nous avons étudié ce récit lors de notre dernière rencontre.
C’est au milieu de tout ce qui est dit de la vie et de l’oeuvre de Jésus, un témoignage d’ordre existentiel.
Comme d’autres interventions, rencontres, manifestions de Jésus, c’est un point d’ancrage de la faveur divine dans l’histoire humaine, dans la réalité de notre monde, c’est une mise en pratique, une incarnation de ce qui est offert par Dieu en Jésus christ, c’est une confirmation, une attestation de la réalisation de la promesse divine en Jésus christ.
Or, c’est l’une des fonctions essentielles d’un évangile, en l’occurrence celui de Jean, non pas de nous faire toute une chronique, tout un historique, tout un reportage de la vie et de l’oeuvre de Jésus comme s’il s’agissait de l’héroïser, de la vanter, mais de montrer que Dieu est effectivement avec nous, au milieu de nous, allant jusqu’à partager notre humaine condition en Jésus christ.
Parmi les récits des actions de Jésus on peut placer le Premier signe de Cana (2/1-12), la Purification du Temple (2/13-22), l’Entretien avec la Samaritaine (4/1-42), le Second signe de Cana (4/43-54), Jésus nourrit une grande foule (6/1-15), ), et ainsi de suite.
La Femme adultère (8/1/11) réunissant récit, digression et confrontation.

2) 5/19-30 : Digressions théologiques sur Jésus, par exemple le pouvoir du Fils.
C’est un morceau d’un genre très différent du précédent. Même si il arrive que ces genres s’entremêlent (voir Jean 8/1-11).
C’est au milieu de tout ce qui est dit de la vie et de l’oeuvre de Jésus, un témoignage d’ordre intellectuel.
Il s’agit ici d’expliciter, de verbaliser, de traduire sous forme d’enseignements, d’images, de notions, de concepts, de déclarations de foi, ce qu’est en soi Jésus (essence, nature) et ce que représente pour les autres Jésus (kérygme, impact, portée du message).
C’est également l’une des fonctions essentielles d’un évangile, en l’occurrence celui de Jean, non pas de nous assommer d’arguments et de preuves théoriques, purement doctrinales, au point de n’être qu’une vaste démonstration rhétorique, mais, au fil des actions de Jésus de préciser la teneur de ce qu’il se passe, et ainsi de faire appel à notre réflexion
Parmi les digressions théologiques on peut placer le Prologue (1/1-18), l’Entretien avec Nicodème (3/1-21), Celui qui vient d’en haut (3/31-36), la Marche sur la mer (6/16-21), Jésus, le pain de vie (6/22-59), Jésus lumière du monde (8/12-20), ), et ainsi de suite.
La Femme adultère (8/1/11) réunissant récit, digression et confrontation.

3) 5/31-47 : Confrontations avec Jésus, par exemple les témoignages.
C’est un morceau d’un genre encore très différent des précédents. Même si il arrive que ces genres s’entremêlent (voir Jean 8/1-11).
C’est au milieu de tout ce qui est dit de la vie et de l’oeuvre de Jésus, souvent sous forme dialectique, d’échanges de point de vue, de questions et de réponses, un témoignage d’ordre didactique, fait moins d’enseignements que de renseignements à son sujet, témoignage auquel le lecteur est à son tout appelé à prendre part, à exprimer ce qu’il en pense.
C’est donc aussi l’une des fonctions essentielles d’un évangile, en l’occurrence celui de Jean, non pas de nous lancer dans des débats sans fin à propos de la vie et de l’oeuvre de Jésus, au risque de nous faire perdre de vue que le plus important est de découvrir ce que Jésus est et représente pour soi, mais tout de même de confronter et d’approfondir cette découverte personnelle avec celles qu’en font les autres.
Parmi les confrontations des témoignages on peut placer le Témoignage de Jean (1/19-34), les Premiers disciples (1/35-51), Jean et Jésus (3/22-30), la Décision de la foi (6/60-71), le Manque de foi des frères de Jésus (7/1-10), l’Enseignement de la fête des Tentes (7/1-53), et ainsi de suite.
La Femme adultère (8/1/11) réunissant récit, digression et confrontation.

Les leçons d’anciens herméneutes aux petits herméneutes que nous sommes
Depuis les débuts de l’exégèse critique, à la fin du XVIIIe siècle, le texte biblique dans son ensemble est le plus souvent lu comme s’il fonctionnait avec un seul sens, celui qui est directement accessible et qui s’est imposé dans la culture gréco-romaine dont nous sommes les héritiers, depuis les environs de l’an 200. Mais nous avons plusieurs témoignages qui nous indiquent que ce ne fut pas toujours le cas. En particulier :
Origène (185-254), dans le traité Des principes, distingue au livre IV un deuxième sens, dont on repère l’existence par certaines aspérités voulues du texte :
Il faut que la rupture de la narration arrête le lecteur par l’obstacle de barrières, pour ainsi dire, afin de lui refuser le chemin et le passage de cette signification vulgaire, de nous repousser et de nous chasser pour nous ramener au début de l’autre voie : ainsi peut s’ouvrir, par l’entrée d’un étroit sentier débouchant sur un chemin plus noble et plus élevé, l’espace immense de la science divine.
Thomas d’Aquin (1225-1274), lui distingue, à côté du sens « littéral », un sensus rerum ou sens historique, au sens latin du terme, qu’il appelle l’histoire res gestae. Le sensus rerum est donc compris comme une réflexion théologique sur les événements historiques.

Avec toute mon amitié.
Christian (4 janvier 2024)

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