BàBâR : textes de Christian : JOSUE

 

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La lecture de Josué

Texte du 24 novembre 2023

BàBR 2023-2024/INTERLUDE

JOSUE/TEXTE OU PRETEXTE

 

Pierre a raison d’attirer notre attention sur la manière dont on appréhende les textes bibliques et en particulier les récits historiques et prophétiques que des lectures et interprétations fondamentalistes ou littéralistes peuvent indûment projeter et plaquer sur des situations d’aujourd’hui, comme le font par exemple les Juifs sionistes ultra orthodoxes ou les chrétiens évangéliques messianiques.

Rappelons avant tout (je reprends ici en partie mon papier sur Jean 3/1-21) que selon nous (Protestants EPUdF) les textes bibliques ne reproduisent pas la Parole de Dieu. Ils sont des témoignages raisonnés (argumentés, interprétés, discutés) qui tentent de rendre compte de la foi en un Dieu dont on dit effectivement qu’il parle, qu’il entre en relation avec l’humain, qu’il crée du lien, qu’il dialogue (et donc nous écoute aussi et prend au sérieux ce que nous disons de lui et faisons en son nom).

Aussi s’agit-il de lire et d’interpréter les textes bibliques pour ce qu’ils sont et de ne pas en tirer des conclusions rapides et réductrices sur ce que Dieu dirait et ferait effectivement, le nom de Dieu étant suffisamment pris en vain, même par les meilleurs volontés.

Comme il s’agit aussi de les lire et interpréter avec un maximum de rigueur, chacun pour ce qu’il livre et soumet à notre sagacité : ce que nous lisons venant aussi de nous, de nos présupposés, de nos projections. Leur abord quelquefois abrupt, difficile, voire rhétorique, est souvent un écho de nos propres limites dans la verbalisation des messages qu’ils délivrent et dans les errements des témoignages que nous sommes appelés à rendre !

 

Le livre de Josué comme la plupart des écrits bibliques sont des documents théologiques dont le motif est de verbaliser, de rendre compte autant faire se peut d’un message donné à des auditeurs et des lecteurs données même s’ils ne sont pas tous détaillés avec précision.

Certes, on y trouve des récits, et même des éléments de type historique ou biographique. Cependant, ils ne s’en encombrent pas et se concentrent sur la transmission du message, quitte à se présenter quelquefois comme des synthèses  qui vont à l’essentiel, mais avares en explicitation et en transition.

Le livre de Josué comme la plupart des écrits vétérotestamentaires (c’est aussi vrai des écrits néotestamentaire comme nous l’avons noté à propos de Jean 3/1-21) est pensé, écrit  et repris à des dates quelquefois éloignées, et doivent donc être lus et interprétés en fonction de ces différentes étapes, d’autant plus que la date où nous les lisons s’inscrit dans un contexte encore fort différent.

Le livre de Josué relate la conquête puis l’installation dans la Terre Promise, où coulent le lait et le miel, des faits très anciens des années -1200, qui font suite à la sortie d’Egypte sous la conduite de Moïse, relatée par le livre de l’Exode. Certains biblistes l’inscriraient comme sixième livre associé au Pentateuque et parleraient d’Hexateuque. Il semble en effet qu’il est un document essentiel dans la constitution de ce que certains d’entre eux voient comme une Histoire Deutéronomique (HD).

Le livre de Josué, dans le long processus qui va de sa conception vers -1200 à sa rédaction vers -570, soit au début de l’Exil, est passé par les traditions yahviste (J), deutéronomiste (D) et sacerdotale (P, priestercodex).

Pour en comprendre un peu la portée, je citerai ces lignes de Thomas Römer dans La première histoire d’Israël : Il y a quelques indices d’une nouvelle rédaction à la période perse. Si des scribes deutéronomistes étaient déjà actifs sous le règne de Josias (soit juste avant l’Exil), leur activité littéraire doit être liée d’une façon ou d’une autre aux intérêts de la Cour : il ne s’agissait pas d’un exercice historiographique sophistiqué, mais plutôt d’une littérature de propagande… qui aurait justifié la politique de Josias en légitimant la revendication territoriale de Juda au nom de Yahwéh lui-même. (p. 50)

Tout cela pour dire qu’il peut y avoir un écart assez considérable entre ce que l’on lit dans le livre de Josué et les événements(conquête et installation) qu’il est pourtant censé relater. Et par conséquent un écart assez considérable entre les intentions prêtées au Seigneur par les derniers rédacteurs et ce qu’elle pouvaient être en réalité quelques 600 ans auparavant !

 

C’est donc avec d’infinies précautions que nous devons approcher ce livre, 2600 ans après, en en mesurant toute l’épaisseur rédactionnelle, en nous défendant surtout d’en tirer des conclusions hâtives, et d’en tirer de prétendus enseignements sur les cours de l’histoire d’aujourd’hui.

Il nous faut nous en tenir au texte, pour ce qu’il nous permet de comprendre, même confusément, de ce qu’il a pu se passer en -1200 et de ce qu’il a pus se passer en -600, et sur ce qu’il nous révèle, même contradictoirement, de l’ouvrage du Seigneur tout au long de cette histoire, et jusqu’à aujourd’hui.

Et ne pas en faire un prétexte, ce qu’on déjà fait les rédacteurs finaux du livre de Josué (!), pour autoriser a priori ou justifier a posteriori quelle cause que ce soit. Ce qui reviendrait d’une part, à distordre l’histoire, à multiplier les anachronismes, d’autre part, à prendre vain le nom de Dieu.

Bonne réflexion. Amitiés. Christian

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