![]() « A moins d’être convaincu par les écritures et la simple raison… » (Luther, 1521)
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Au XVIe s., les Réformateurs protestants ont exprimé ce principe pour contester, à l’aide du retour au texte biblique, le dogmatisme d’interprétation de la Bible par l’Église médiévale. Celle-ci s’est en effet fourvoyée, selon ces Réformateurs, dans l’erreur du « salut par les mérites des œuvres suscitées par la grâce », notamment par les grâces que l’Église offrait à travers les indulgences. Dans le protestantisme, l’autorité est celle des Écritures seules, indépendamment des dogmes ou doctrines officiels institutionnels : s’il y a une question doctrinale, on y répond par rapport à la Bible. Luther dira dans son discours à la Diète de Worms, en 1521 : « À moins qu’on ne me convainque par des attestations de l’Écriture ou par la simple raison…, je suis lié par les textes scripturaires que j’ai cités et ma conscience est captive des paroles de Dieu. » Lire 2Tim.3,16« Toute écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la juste relation avec les autres. » Questions :Qu’est-ce que l’inspiration ? Qu’est-ce que la révélation ? En 1841, le théologien protestant suisse Louis Gaussen publie son ouvrage intitulé La Théopneustie, ou la pleine inspiration des Saintes Écritures. Ce livre a suscité la mise en place d’un débat non encore clos au sein du protestantisme sur le principe protestant du Sola Scriptura ou Les écritures seules. La « théopneustie » est une francisation du grec biblique θεόπνευστος (qui signifie littéralement « divinement inspiré »), que l’on trouve dans 2Tim.3,16. À la fin du XIXe siècle, des théologiens comme le Montalbanais Henri Bois, en écho à la théorie de Louis Gaussen, ont esquissé une distinction entre inspiration et révélation. Pour eux, la révélation concerne l’action de Dieu qui révèle sa grâce et son projet de salut pour l’humanité. Ils distinguent, comme les Réformateurs protestants du XVIe siècle, une révélation générale adressée à toute l’humanité (par la contemplation de la création, cf. Rom.1), et une révélation spéciale adressée au peuple d’Israël, et accomplie en Christ. L’inspiration, quant à elle, selon eux, est l’action de l’Esprit qui dialogue et cogite avec l’esprit humain (Rom.8,16). Dans l’inspiration, la glaise humaine joue un rôle important, sous l’impulsion du souffle de Dieu (Gen.2,7). Quelles sont les modalités de cette inspiration ? Est-elle transcrite mécaniquement ? Pour Henri Bois, l’humain rend visible (et conscient) l’action intérieure (et inconsciente) de l’Esprit qui inspire les choix de l’auteur concernant les mots et les idées à proclamer et à mettre par écrit. Pour beaucoup de théologiens de notre christianisme protestant, l’inspiration n’est pas mécanique. Les modalités ne son pas fixées. On croit beaucoup à l’inspiration collégiale de l’Esprit dans le fonctionnement de notre Église, dans le système presbytérien-synodal, puisqu’on pense avoir besoin de l’autre (auteur scripturaire, prédicateur, frère ou sœur, prochain, ou toute autre créature) pour nous dire la Parole de Dieu. Les décisions d’orientation de l’Église se prennent collégialement. Quel est l’impact du rôle des auteurs humains ? Les auteurs humains expriment (de manière visible et/ou consciente) avec leurs mots, leur langage, leur culture, selon leur contexte ce qu’ils estiment avoir reçu de l’inspiration (cachée et/ou inconsciente) de l’Esprit. Les choix de l’auteur restent bien humains, en réponse à la confiance que Dieu lui accorde. Cette dimension humaine, quand bien même inspirée intérieurement, reste néanmoins humaine, susceptible d’erreurs liées au contexte. Cela n’enlève en rien à l’action révélatrice de Dieu et inspiratrice de l’Esprit. Quelle relation existe-t-il entre l’auteur humain et Dieu ? Pour la plupart des théologiens de notre protestantisme, la relation entre Dieu et l’auteur humain biblique est celle de la foi, dans la confiance mutuelle. Dieu fait confiance à la mission de témoignage visible qu’il propose à l’auteur biblique, et ce dernier fait confiance dans l’origine divine de la révélation et de l’inspiration qu’il pense avoir reçues. Cela n’est envisageable que subjectivement, dans la foi. Dieu permet-il que soient immiscées des erreurs ? Si oui, quelles erreurs ? Je ne pense pas que Dieu le souhaite, mais c’est le péché et la finitude humaine qui introduisent chaque fois des erreurs (comme des bugs informatiques) dans notre manière de rendre visible la révélation divine de la grâce. Les erreurs qui se sont immiscées dans la mission des auteurs bibliques concernent, à mon avis et de l’avis des théologiens de notre protestantisme, la culture et le langage, puisque l’auteur n’a que les mots et les idées (intellectuelles) de son temps pour exprimer la vie et l’inspiration (spirituelles) reçues de l’Esprit. Ces moyens d’expression dépendent du contexte et de l’évolution des connaissances humaines, qui étaient et resteront toujours marquées par la finitude (Kant dit : « J’ai limité la connaissance afin de laisser de la place à la croyance »). Les auteurs, humains, sont-ils plus ou moins opaques à la révélation et à l’inspiration divines ? La foi seule dans la lumière du Christ, Parole de Dieu inspirée par l’Esprit, me permet de croire que j’entends une révélation et une inspiration divine à travers les moyens humains (institution, écritures, prédications, etc.). Lire Jn.1,1,14« Dans le principe était la Parole ; et la Parole était auprès de Dieu ; et la Parole était Dieu. Et la Parole s’est fait chair, et a habité au milieu de nous. Nous avons vu sa gloire ; une gloire comme celle d’un fils unique de la part du Père, pleine de grâce et de vérité. » Questions :Comment l’évangile de Jean définit-il la Parole de Dieu : est-ce un livre ou plutôt une personne ? Dans l’Évangile de Jean, le Logos divin (cf. la raison chez Platon) désigne la Parole avec laquelle Dieu communique et crée en nommant et en donnant sens aux éléments de la création (Gen.1). Ici, en Jn.1, cette Parole de Dieu ne se fait pas écriture ou livre saint, mais se fait chair, c’est-à-dire prend le risque de s’incarner dans la personne et l’œuvre de l’homme Jésus de Nazareth. Quel est le lien entre cette Parole de Dieu et les écritures ? Pour notre version protestante luthéro-réformée du christianisme, les écritures n’ont d’autorité que lorsque nous y lisons et discernons la grâce de Dieu manifestée en Christ, Parole de Dieu. L’autorité revient au Christ seul comme chemin vers le Père. Les écritures servent de références pour connaître le Christ et pour ce qui concerne le salut en lui. Quand le principe protestant dit : « À Dieu seul la gloire », peut-on dire que la Bible est sacrée, divine, sainte ? « À Dieu seul la gloire » peut se traduire, selon Paul Tillich, par « Dieu est au-dessus de Dieu » et de tous les noms et idées que l’humain peut lui attribuer. La bible fait donc partie des choses avant-dernières, puisque Dieu seul est Dieu et saint. |